Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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A Madame
Madame Courier
Rue des qutre Fils n°15
A Paris
Tours, le samedi 17 juin 1815Luynes, le 14 juin 1815.

J Luynes2.jpg e reçois ta lettre de mercredi soir et jeudi, bien bonne et bien longue. Que te dirai-je ? Il faut t'adorer. Ta pauvre santé m'afflige bien. Je suis sûr que la campagne et tes coussins te rétabliront. Mais ne songe point à venir ici par cent raisons. D'abord le pays n'est pas tranquille et il y a tel événement qui pourrait nous engouffrer dans une bagarre effroyable1. Moi seul je m'échappe aisément. Et puis tu me gênerais dans mes courses [et tu doublerais ma dépense]2. Cette raison ne m'arrêterait pas si ta santé y devait gagner. Mais Luynes est un endroit malsain dans cette saison-ci. J'y reste le moins que je puis de peur de la fièvre, et je me sauve sur les hauteurs où l'air est plus pur mais où je ne pourrais me loger avec toi. Sitôt que je serai de retour, nous irons, si tu veux, nous établir quelque part, à Sceaux, à Saint-Germain. Au reste, attends quelques jours. Si l'empereur gagne la partie, ce pays-ci sera bientôt calme. Je retourne à Luynes et j'y achèverai mes affaires. Je visiterai mes bois et ferai du tapage aux gens qui me doivent. Malheureusement ils me connaissent et ne s'effraient pas de mes menaces, ils finissent toujours par payer quand ils veulent.
[Je relis dix fois tes lettres. Mais si tu savais comme je suis habile à me tourmenter. Celle d’hier m’avait paru courte, embarrassée, il me semblait que tu m’écrivais comme par devoir et avec peine. Je te voyais lancée dans les parties de plaisir, que sais-je, mille visions. J’enrageais de t’avoir quittée, de t’avoir laissée à Paris. Mais celle-ci m’a fait grand plaisir, à l’article près de ta santé. Cette abondance du parfum me fait bien de la peine. A propos, ton petit papier, sais-tu ce qu’il a produit. Je l’ai d’abord pris, il avait conservé toute ton odeur…
Je pars aujourd’hui pour Luynes. Je ne recevrai de tes lettres que quand je reviendrai, c’est-à-dire lundi ou mardi. Voilà un billet pour
Zaza3 .
Je ne peux t’en écrire plus long, il est près de midi et le courrier va partir. Garde-toi bien de partir sas me prévenir, car il pourrait arriver que je partisse en même temps d’ici pour Paris, et nous nous croiserions.]4


[1] Courier évoque l’imminence d’une bataille décisive entre l’empereur et la coalition ennemie (Waterloo).  Note1
[2] Passage omis chez Sautelet.  Note2
[3] Il s’agit d’Esther Clavier, surnommée « Zaza », sœur cadette d’Herminie (1798-1870). Il est notamment question d’elle dans la lettre du 25 août 1814 de Courier à Herminie. Zaza épousera son cousin André Claude Faye (1793-1875) le 19 décembre 1818.  Note3
[4] Ce passage entre crochets ne se trouve pas chez Sautelet.  Note4

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