Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec De M Renouard le 20 novembre 1809 De M Akerblad Sans mention de Florence le 5 décembre 1809 Suiv

A Monsieur Courier
Chez MM. Molini, Landi et Cie
à Florence

Rome le 25 novembre [1809].

Mon très cher commandant,

L Trinité des Monts Trinité des Monts à Rome
 
e billet que vous avez eu la bonté de m’écrire de Florence m’a fait espérer de vous voir arriver à chaque instant de Rome, voilà pourquoi j’ai différé d’y répondre ; votre retard me persuade que vous avez trouvé dans les bibliothèques de Florence de quoi vous occuper, et en effet M. Landi, dans une lettre qu’il m’a écrite il y a quelques jours, me parle d'une découverte que vous avez faite de quelques morceaux inédits de Longus, et d'une entreprise littéraire formée entre vous et M. Renouard sur cette découverte. Voilà ce qui s'appelle bien débuter au moins, et le pauvre Furia doit être furieux de voir un Welch venir pondre dans son nid1. Mais si cette fois vous tardez encore de venir à Rome, faites-moi le plaisir de me dire ce que c'est que cette découverte ? Dans Longus il n'y a qu'une seule lacune, si je me rappelle bien, et de la remplir ne serait pas une affaire d’une si haute importance à faire penser à une nouvelle édition. Ne serait-ce pas donc du Longin que Landi aura voulu parler ? Enfin, dites-moi ce qu’il en est, ou bien venez nous en porter la nouvelle vous-même, ce qui vaudra mieux encore.
Au lieu d’un logement j’en ai cinq ou six à vous offrir, si toutefois vous voulez habiter la collis hortulorum vulgairement dit Trinité des Monts. Je désire bien de vous avoir dans mon voisinage, mon aimable commandant, mais auriez-vous la cruauté de faire une infidélité à votre bonne amie la cyclopéenne que vous tende (sic) les bras pour vous avoir chez elle2 ? En tout cas je vous conseille de commencer par vous loger chez Franz3, strada Condotti, ou dans quelque autre auberge, et ensuite choisir votre habitation à votre aise.
J’ai des excuses à vous faire de n’avoir pas répondu à votre lettre de Milan4, mais à vous dire le vrai j’ai été un peu fâché contre vous et cela m’a fait tarder de vous écrire. Quand j'ai su que vous étiez rentré dans le tourbillon, je m'attendais de vous revoir général ou au moins colonel, n’importe, avec un bras ou une jambe de moins ; jugez donc combien j'ai dû être surpris d’apprendre que vous ne serez jamais rien, pas même baron d'empire, et que vous étiez revenu en Italie sain et sauf à la vérité mais sans les deux épaulettes à graines d'épinards. Je vous gronderai d'importance lorsque vous viendrez ici, d’avoir ainsi trompé l’attente de vos amis ; en attendant j’espère que vous ne me refuserez pas de me donner de vos nouvelles et des découvertes que vous faites à Florence. Mais venez, la bibliothèque du Vatican est bien plus riche, et le dragon Cherini ne vient pas cet hiver, et le révérend père Altieri est un bon enfant qui vous laissera fouiller dans les bouquins tant que vous voulez. Ainsi venez. Je vous embrasse de tout mon cœur.


Akerblad


[1] Akerblad ne croyait pas si bien dire. Furia se déchaînera contre Courier en ajustant ses attaques sur la tache d’encre commise par Courier sur le manuscrit de Longus. Mais l’humiliation de n’avoir pas su découvrir ce que Courier avait aperçu du premier coup d’œil dut favoriser une tempête générée par le ressentiment contre le Français.  Note1
[2] Il s’agit très certainement de Mme Dionigi.  Note2
[3] Il s’agit de l’Hôtel d’Allemagne situé à Rome et dans lequel descendaient les visiteurs voulant se loger rapidement.  Note3
[4] Cf. supra, lettre du 14 octobre 1809.  Note4

trait

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