Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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Contexte politique

Bonaparte Premier consul Bonaparte Premier consul (1769-1821) par Ingres
 
L e 26 octobre 1795, la Convention cède la place au Directoire. Elu un des cinq Directeurs en vertu de la constitution du 5 Fructidor An III (22 août 1795), Barras, âme de la chute de Robespierre, se montre si habile qu’il reste Directeur jusqu’à la fin de ce régime. Alors que Merveilleuses et Incroyables manifestent sans retenue leurs excentricités vestimentaires et leur luxe de parvenus, le peuple connaît la misère. L’existence fastueuse de Barras se déroule sur fond d’incertitudes politiques et financières et de difficultés militaires. Néanmoins, il confère à l’armée un rôle important et fait remettre le commandement de l'Armée d'Italie à Bonaparte. Victorieux en Italie, celui-ci agit à sa guise et négocie lui-même le traité de Campoformio (octobre 1797) favorable à la France. Son ascension commence. Son retour de l’expédition d’Egypte le 9 octobre 1799 lui permet de réaliser le coup d'État des 18 et 19 Brumaire an VIII (9 et 10 novembre 1799). Cet acte met fin au Directoire et institue le Consulat.
Adoptée par plébiscite en janvier-février 1800 (frimaire an VIII), la nouvelle Constitution désigne Bonaparte, Premier consul pour dix ans. Devenu indéfiniment rééligible, il exerce un pouvoir exécutif sans limites. La victoire de Marengo (14 juin 1800) remportée sur les Autrichiens et les Piémontais porte à son comble son prestige militaire. Dès lors, il se présente en réconciliateur national, et se place au-dessus des partis. Il permet à nombre d’émigrés et proscrits de rentrer en France sans être inquiétés. Le 15 juillet 1801, il signe le Concordat avec Pie VII. Sa popularité lui permet d’asseoir solidement son pouvoir. Le 19 mai 1802, il crée la Légion d’honneur. Le 2 août 1802, il est nommé Premier consul à vie.

Un ouvrage nouveau sous un titre ancien

Constance de Salm Dyck Isocrate (436–338 av. J-C)
 
P aul-Louis Courier, et il n’est pas le seul, ne regrette pas la disparition du Directoire ; mieux : il approuve l’action de Bonaparte. La prise en main du pouvoir par le général d’artillerie lui paraît de nature à ramener enfin paix sociale et calme en France. Aussi prend-il prétexte de traduire Isocrate pour signifier le fond de sa pensée sur la conjoncture politique en France. Imprimé à Paris chez Cramer, premier ouvrage publié par Courier, en mars 1803, la traduction de L’Éloge d’Hélène est donc fort libre, voire éloignée du texte original. Cette manière n’est pas rare à l’époque. Toutefois, certains contemporains ne comprennent pas le dessein du traducteur et pensent qu’il a trahi l’auteur ou s’est fourvoyé. Ainsi, Courier écrit-il le 10 mars 1802 les lignes suivantes à Jean-Geoffroy Schweighaeuser, membre du cénacle de Strasbourg, passé à côté de ses intentions :

Si l’épisode de Thésée est sans intérêt aujourd’hui, j’ai manqué mon but. En cet endroit, comme dans tout le reste, je n’ai presque rien pris d’Isocrate. Vous ne vous êtes pas aperçu que je voulais donner un ouvrage nouveau sous un titre ancien.

Le 7 mai 1803, Le Journal des Débats rend compte de ce travail en ces termes :

Ce n’est point comme helléniste, ni même comme traducteur, que l’auteur de l’Éloge d’Hélène doit être jugé. Je ne sais en vérité pourquoi il a annoncé cet ouvrage comme une traduction, car ce n’en est point une, c’est tout au plus une imitation extrêmement libre. M… n’a pris dans Isocrate que les idées qui lui ont convenu. Il a retranché des pages entières, en a ajouté autant qu’il en a retranché, et a totalement altéré le peu qu’il a conservé ; en un mot, il a refait l’Éloge d’Hélène après Isocrate, mais nullement d’après lui.

L’approbation sans réserve par Courier de l’attitude de Bonaparte durera peu. On sait combien par la suite, comme le prouve la célèbre lettre de 1804 (Nous venons de faire un Empereur…) le capitaine d’artillerie sera scandalisé par la politique de Napoléon, notamment par son népotisme et sa manière de reconstituer une cour et l’esprit qui va avec.

Constance-Marie de Théis

Constance de Salm Dyck Constance de Salm Dyck
 
C onstance-Marie de Théis naît le 7 novembre 1767 à Nantes, ville où son père exerce les fonctions de juge maître des eaux & forêts. Lié aux Lumières, il est l’auteur de plusieurs ouvrages. Bénéficiant d’une solide formation, Constance sait le latin et parle italien et anglais et s’engage très tôt dans la production poétique. Le 4 janvier 1789, elle épouse le chirurgien, Jean-Baptiste Pipelet, dit de Leury (1759-1823). L’année suivante, elle lui donne une fille, Clémence. Le couple n’est pas ennemi de la Révolution, bien au contraire. D’ailleurs, officier sous Louis XVI, le propre frère de Constance, Alexandre, se ralliera à la Révolution. Bien lui en prit : il deviendra conseiller de préfecture sous l’Empire, baron sous la Restauration et, sous la monarchie de Juillet, préfet de Haute-Vienne.
L’épouse, qui ne supporte plus les aventures sentimentales de Jean-Baptiste, se sépare de lui en 1795. Le couple divorcera quatre ans plus tard. Dès leur séparation, elle entre de plain pied dans le monde parisien du Directoire et est admise dans plusieurs salons littéraires. Très belle, émancipée, attirée par la poésie, rendue au célibat, nombre d’hommes tournèrent autour d’elle et non des moindres. Stendhal déclare d’elle dans Vie de Henri Brulard : Il était sept heures et demie du soir, les salles étaient fort illuminées. La poésie me fit horreur […] mais j'admirais fort et avec envie la taille et surtout la gorge de Mme Pipelet qui lut une pièce de vers… Quant à Benjamin Constant, il écrit d’elle dans son Journal en date du 11 février 1805 : Assez belle de formes, pas trop pédante pour une femme-auteur […] elle a des bras et une poitrine superbe.
En 1803, Constance de Théis se remarie avec le comte Joseph de Salm-Reifferscheidt-Dyck (1773-1861), passionné de botanique, ami de Jussieu et Humboldt. Il constitue une remarquable collection de plantes dans son château de Dyck, situé en Rhénanie. Membre de la Légion d’honneur avec le titre de chancelier, il est fait comte d’Empire en février 1809, année où il achète l’hôtel parisien de Ségur. En 1816, le roi de Prusse lui confère le titre de prince de Salm. Constance partage son temps entre ce château et l’hôtel parisien, 87 rue du Bac, actuellement n° 97, habité de 1786 à 1798 par Mme de Staël. Elle tient en ce lieu brillant salon littéraire fréquenté entre autres par Jean-Baptiste Say, La Fayette, Humboldt, Talma, Houdon, Girodet, Alexandre Dumas, Stendhal…
En 1825, la princesse de Salm est atteinte par une tragédie : sa fille unique, née du premier lit, est assassinée par un prétendant éconduit.
Courier resta longtemps en relation avec elle ; il lui envoya en mars 1810 un exemplaire de sa traduction de Daphnis et Chloé ; d’autre part, nous possédons sa lettre d’octobre datée du 20 juin 1810, que l’on peut retrouver sur notre site dans la rubrique Paul-Louis Courier épistolier, à elle adressée de Tivoli et dans laquelle il laisse entendre qu’il l’ira sans doute voir en son château : J’ai depuis longtemps, madame, votre château dans la tête

Avant sa mort survenue le 13 avril 1845, Madame de Salm publia ses Œuvres complètes en 1842 chez Firmin-Didot et Arthus Bertrand, ce dernier étant, rappelons-le, ironiquement mis en scène par Courier dans le Pamphlet des pamphlets. C’est de cet ouvrage de la princesse qu’est tiré l’intéressant portrait qu’elle trace de Paul-Louis Courier et que l’on trouve sur notre site dans la rubrique : Ils ont dit de lui.

La princesse est enterrée au Père Lachaise, 26e division, 1ère ligne, R, 25.

Tombeau de Constance de Salm Dyck Tombeau de Constance de Salm Dyck
 

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