Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec Sans mention de Florence le 8 février 1810 De M. Clavier De M Akerblad le 22 février 1810 Suiv

Paris, le 19 janvier 1810.
(il veut dire février)1


N Jean-Baptiste Gail (1755-1829) Jean-Baptiste Gail (1755-1829) par Julien Léopold Boilly
 
ous ne vous avons point oublié, mon cher Courier, mais je ne sais comment il s’est fait qu’en voulant vous écrire, et en remettant d’un jour à l’autre, le temps s’est écoulé sans qu’on s’en aperçût. J’ai été occupé d’abord par les démarches à faire pour l’Institut, ensuite par les remerciements, les visites du Jour de l’An sont venues après, etc. J’ai bien vu Renouard qui m’a dit que vous l’aviez chargé de retirer ce qui était fait de votre Xénophon, mais il ne m’a point dit que ce fut lui qui fit imprimer le Longus, il à moins qu’il n’ait employé pour le revoir Boissonade que je n’ai pas vu depuis longtemps, je crains bien qu’il ne fasse une édition très incorrecte. Au reste j’y passerai un de ces jours et je saurai où il en est. Je vous félicite de votre découverte, et je ne doute pas que vous n’en fassiez d’autres si vous vous donnez la peine de fouiller dans les mss. de Florence et de Rome où depuis longtemps il y a très peu de gens habiles, en grec. Si vous trouviez quelque chose d’intéressant, je crois que je viendrais à bout de le faire imprimer dans les notices des manuscrits que notre classe publie et dont il y a déjà huit volumes in 4°.
Je ne vous ai point encore envoyé mon histoire de la Grèce2, parce que mon libraire a fait banqueroute et m’a emporté une partie des exemplaires qu’il me devait. On me dit de jour en jour que ses affaires s’arrangent et qu’on me donnera ce qui me revient, et c’est là encore une des causes de mon silence avec vous, parce que j’espérais toujours vous annoncer cet envoi. Je travaille, dans ce moment, à un nouveau dictionnaire de grands hommes où je me suis chargé de faire toute l'histoire ancienne tant civile que littéraire, la romaine exceptée3. Ce n’est point celui qui imprime chez Prudhomme, mais un autre auquel coopèrent beaucoup de membres de l’Institut.
Vous avez sans doute appris que Gail a été reçu de l'Institut avant moi. C'est une excellente acquisition et il est le seul qui nous fasse rire. Il nous a lu une dissertation pour prouver que l'ironie règne dans le Banquet de Xénophon, et il s'est fort offensé de ce que je lui ai dit qu'on le contredirait d'autant moins là-dessus, que personne jusqu'à présent ne s'était avisé de prendre cet ouvrage au sérieux. Il nous a aussi prouvé que Xanthippe était une excellente femme, douce, pleine d'attention pour son mari4 et que tous les bruits qui avaient couru sur son compte étaient de pures calomnies. C'est bien généreux de sa, part, que de faire l'apologie des méchantes femmes. Ses sottises ont tellement déconcerté tous ses partisans qu'il se trouve maintenant que personne ne lui a donné sa voix.
Il a paru à Florence une nouvelle édition des Fables d'Ésope, d'après un manuscrit très ancien ; je vous prie de me l'envoyer si vous en trouvez l'occasion. Les Molini de Florence me doivent le prix de douze exemplaires d'Apollodore, ce qui fait 136 francs. Je vous prie de leur en parler, je prendrai volontiers des livres pour cela ; je leur en fournirai même d’autres, s’ils le veulent, également pour des livres, je vous prie de traiter cette affaire pour moi.
Le second volume de Plutarque de M. Coraï est prêt à paraître. Il s’est fait un peu attendre, mais il aura un autre ouvrage pour acolyte. Je vous enverrai l’un et l’autre. L’Eunapius de Boissonade5 s’imprime très lentement, comme tout ce qui se fait en Hollande, et ce sera beaucoup si nous en jouissons dans un an.


[1] Annotation de la main de Courier.  Note1
[2] Histoire des premiers temps de la Grèce, depuis Inachus jusqu’à la chute des Pisistratides, pour servir d’introduction à tous les ouvrages qui ont paru à ce sujet: avec des tableaux généalogiques des principales familles de la Grèce, 2 volumes, Paris, Léopold Collin, Libraire, rue Gît-le-Cœur, imprimerie de Valade, 1809.  Note2
[3] Il s’agit de la future Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes. Paris, publié. sous la dir. de M. Michaud ; ouvrage rédigé par une société de gens de lettres et de savants, 1e édition de 52 volumes in 8, 1811-1828. Comme Clavier, Boissonade, Aubin-Louis Millin de Grandmaison, Désiré, Raoul-Rochette et Sylvestre de Sacy collaborèrent à ce projet ambitieux ; Gail n’en fut pas.  Note3
[4] Si l’on en croit Diogène Laërce, Xanthippe, la première femme de Socrate, se conduisait fort mal avec lui.  Note4
[5] Eunapii sardiani vitas sophistarum et Fragmenta historiarum, par Boissonade, Amsterdam, 1822, avec annotations de Wyttenbach pour le second volume.  Note5

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