Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec A M. de Sirmiane de Rome le 25 septembre 1810 Du comte de Tournon au comte de Portalis De M. Clavier le 28 septembre 1810 Suiv

Rome le 26 septembre 1810

            Préfecture
                  duMonsieur le Comte Portalis, Conseiller d’État
          DépartementDirecteur général de l’Imprimerie et Librairie,
              de RomeParis                                 
Bureau : Secrétariat général
          Réponse à la
    lettre du 1er septembreMonsieur le Comte                                           

J Camille de Tournon-Simiane Camille de Tournon-Simiane (1778 - 1833)
 
’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, le 1er du courant, en me demandant de prendre auprès de M. Courier des informations sur sa conduite relativement à un manuscrit grec existant dans la Bibliothèque Saint-Laurent de Florence.
J’ai fait appeler M. Courier auprès de moi ; l’explication qu’il m’a donnée me semble parfaitement le laver des inculpations qui ont pu lui être faites. Je m’empresse de vous la transmettre.
En copiant un morceau inédit d’un manuscrit de Longus, il y fit une tache d’encre couvrant une vingtaine de mots. Lorsque cet accident eut lieu, la copie était déjà faite ; elle l’avait été par lui, conjointement avec le bibliothécaire, et revue sur le manuscrit par trois personnes, ce qui la rendait exacte et authentique autant que possible. Le bibliothécaire, dans la suite, voulut que cette copie fût déposée entre ses mains[1] ; M. Courier s’y refusa, craignant l’abus qui pouvait en être fait. Un avis inséré dans les journaux italiens par le même bibliothécaire[2], ayant prévenu le public de n’ajouter aucune foi à un supplément de Longus, attendu la destruction de l’original, il fit imprimer ce fragment en trois langues, avec l’ouvrage entier, revu sur les manuscrits de Rome et de Florence ; il en fut tiré cinquante exemplaires seulement, destinés à être donnés aux bibliothèques publiques et aux savants.

Tel est, Monsieur le Comte, l’historique de la conduite de M. Courier. Les raisons pour lesquelles il appuie son refus d’avoir voulu transmettre au bibliothécaire, le manuscrit de son édition, sont que ce particulier, paraissant vouloir l’accuser d’avoir copié inexactement Longus, une pièce écrite en partie de sa main le forcerait à avouer l’authenticité du texte, tandis qu’en étant possesseur, un seul mot altéré rendait tout le reste suspect ; que d’ailleurs, cette copie est inutile à la bibliothèque où elle ne peut avoir aux yeux des savants l’autorité du manuscrit, ni par conséquent en tenir lieu ; il n’a point envoyé d’exemplaire de son édition, attendu que cette bibliothèque ne contient que des manuscrits.
La conduite privée de M. Courier est ici irréprochable, sa seule occupation est la culture des lettres. Il semble difficile qu’on puisse l’accuser de spéculation dans l’accident arrivé au manuscrit de Daphnis et Chloé, puisque du petit nombre d’exemplaires tirés de son ouvrage, vingt sont encore entre ses mains, les autres ayant été distribués gratuitement. D’ailleurs il n’est point présumable qu’il eût voulu se priver du titre unique, dont la comparaison pouvait prouver l’exactitude de son travail qui en établit seule le mérite. ? Je vous prie de bien vouloir me répondre pour me mettre à même de le tranquilliser sur les suites de cette affaire.
J’ai l’honneur de vous offrir les assurances de mon respect.

Le Préfet du Département de Rome

Tournon


[1] Le jour de « l’accident », Courier proposa au bibliothécaire de lui remettre la copie du passage taché du manuscrit. Del Furia, dans les affres de l’emportement, refusa brutalement et invectiva Courier. La nuit portant conseil, celui-ci décida de garder par devers lui cette copie.  Note1
[2] Article du Corriere Milanese du 31juillet 1810 qui accuse Renouard d’avoir taché le manuscrit par pure spéculation.  Note2

trait

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