Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec Du docteur Bosquillon de Paris le 25 octobre 1810 De Mme Sophie Pigalle de la comtesse de Salm-Dyck le 4 novembre 1810 Suiv

Lille, 30 octobre 1810

C Basilique et place Saint-Pierre de Rome Basilique et place Saint-Pierre de Rome
 
’est moi mon cher Courier qui ai reçu votre lettre, M. Pigalle étant à la campagne. En prenant le parti de lui envoyer votre lettre, c’était retarder l’envoi de l’argent que vous demandez. Pour éviter cela, de mon autorité privée j’ai fait toucher de suite les 1.200 fcs à M. L. Durand à Paris, ainsi que vous devez les recevoir avant ma lettre.
Où allez-vous en quittant Rome ? Savez-vous que vous ne ressemblez pas mal au juif errant ; on dit que vous devez venir à Paris au printemps prochain3, et je me réjouis de vous y voir, car j’irai aussi à cette époque ; il y aura plus de sept ans que nous ne nous serons vus.
Madame Marchand a passé deux mois en Flandre cet été, elle est toujours fort gaie ; j’aime assez son caractère quoiqu’il ne soit pas des plus doux comme vous savez. Mais il m’a toujours semblé qu’elle me ménageait et qu’elle avait beaucoup de complaisance pour moi, je ne sais pourquoi. Nous parlions très souvent de vous, quelquefois on vous habillait assez mal ; heureusement j’étais là pour vous défendre, et cela un peu par générosité pour les absents, car j’étais persuadé de la vérité de ce qu’on avançait.
Madame Marchand m’avait apporté Daphnis et Chloé, ouvrage que je ne connaissais pas et qui m’a fait le plus grand plaisir ; outre la nouveauté, il avait encore un intérêt de plus pour moi, puisque vous y avez travaillé.
Vous voilà à ce qu’il me paraît, tout à fait lancé dans cette fameuse carrière, et les éloges que les journaux vous donnent doivent encore vous encourager. Quant à moi, mon cher cousin, je vous donne d’avance mon suffrage et suis très disposée à trouver bien tout ce qui vient de vous pour qui vous connaissez toute mon affection.
Vous recevrez probablement votre lettre de change avant celle-ci, qui peut-être ne vous trouvera plus à Rome ; au surplus c’est la première qui est intéressante ; si vous recevez celle-ci et que vous vouliez y répondre, vous me ferez un très grand plaisir.
M. Pigalle est dans ses nouvelles propriétés depuis huit jours, il compte aller ensuite à Paris, et je ne l’attends qu’à la fin de novembre. Je suis donc veuve, et pour comble de malheur je n’ai point de cousin pour égayer ce triste état.
Vous vouliez savoir il y a quelque temps combien j’avais d’enfants ? rien que cinq, pas plus ; je me souviens d’un temps où vous m’engagiez beaucoup à m’en tenir aux deux que j’avais. Vous aviez bien raison mon cousin, mais cela ne suffisait pas, il aurait fallu joindre à ce conseil un moyen sûr de n’en plus avoir ; ceux qu’on m’a indiqués et que j’ai suivis ne sont rien moins qu’infaillibles comme vous voyez.
Adieu mon cher Courier, ce qui me console et me justifie un peu ce me semble, c’est que tous mes enfants sont très jolis, c’est une vérité reconnue.
Portez-vous bien, et donnez-moi plus souvent de vos nouvelles, je vous répondrai très sagement

Sophie Pigalle


[1] En fait, Courier n’arrivera à Paris qu’au tout début juillet 1812.  Note1

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