Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec De M. Silvestre de Sacy [sans mention] De Mme Marchand le 20 janvier 1811 Suiv

Rome 5 janvier 18111

Monsieur

Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758 - 1838)Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758 - 1838) P uisque mes lettres vous parviennent, j'espère qu'enfin vous recevrez l'espèce de factum littéraire, dont je vous adresse de nouveau trois exemplaires. Vous trouverez cela misérable et si vous n'en riez, vous aurez pitié d'une telle querelle. Peut-être encore penserez-vous qu'il fallait se taire ou parler plus civilement. Mais songez, s'il vous plaît, qu'on tâchait à me faire pendre. Que voulez-vous, Monsieur ? J'ai peur, non des cuistres, mais des satrapes de la littérature. Voyant à mes trousses chiens et gens, j'ai fait le moulinet avec mon bâton, sans trop regarder où je frappais.
Vous avez bien de la bonté de penser à mon Xénophon. Son malheur est d'être sorti de vos mains. Je ne sais bonnement où il est, ni ce qu'il deviendra. Un M. Stone l'avait imprimé à moitié, assez mal. Voilà tout ce que je puis vous en dire. Je serais fâché seulement que le manuscrit se perdît. Car c'est un travail que ni moi, ni autre ne saurait refaire, et qui à vrai dire, ne se pouvait faire que dans les casernes et les écuries où je vivais alors.
Oui, Monsieur , j'ai enfin quitté mon vilain métier, un peu tard, c'est mon regret. Je n'y ai pas pourtant perdu tout mon temps. J'ai vu des choses dont les livres parlent à tort et à travers. Plutarque à présent me fait crever de rire. Je ne crois plus aux grands hommes.
Sur ce que vous me demandez si je reste en Italie, je puis bien vous dire, Monsieur, ce que je projette en ce moment ; mais ce qui en sera, Dieu le sait. Car outre l'incertitude ordinaire de l'avenir, j'ai peu d'idées fixes et je trouve même une espèce de servitude à dépendre trop de ses résolutions. Je veux maintenant aller à Naples et de là, si je puis, à Corfou. Or, venu jusqu'à Corfou, ne suis-je pas aux portes d'Athènes ? Peut-être au reste n'irai-je ni à Naples ni à Corfou, ni à Athènes, mais à Paris où je me promets le plaisir de vous voir.
Peut-être aussi ne bougerai-je d'ici ; voilà comme ma volonté tourne à tous les points du compas. J'ai cependant un désir inné de visiter la Grèce. C'est pour moi, comme vous pouvez croire, le pèlerinage de la Mecque.
Si on ne vous a point remis une feuille servant de supplément à mes notes sur Longus, ayez la bonté de l'envoyer prendre chez Mme Marchand. Sans cela votre exemplaire serait incomplet.


[1] Sautelet donne Silvestre de Sacy comme destinataire et date cette lettre du 3 octobre 1810.  Note1

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