Paul-Louis Courier

Korrespondent, Pamphletist, Hellenistische
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prec A M. D'Agincourt de Livourne - 15 décembre 1808 [Sans mention][1] Lettre au général Darancey de Livourne - 1808 Suiv

Livourne, le [15 décembre] 1808

Monsieur,

J José Nicolás de Azara José Nicolás de Azara
 
'apprends avec bien du chagrin le cruel mal qui vous tourmente ; et quoique vous soyez en lieu où nul bon conseil ne saurait vous manquer, quoiqu'il y ait aussi une sorte d'indiscrétion à conseiller les malades, je veux pourtant vous dire ce que j'ai vu qui se rapporte à votre état, un fait dont la connaissance ne peut, je crois, vous être qu'utile.
M. d'Agincourt, à Rome, est connu de tous ceux qui ont voyagé en Italie, comme amateur très distingué des arts et de la littérature, et vous aurez pu aisément entendre parler de lui. Je le laissai, il y a dix ans, souffrant peut-être plus que vous, du même mal, et je viens de le revoir à l'âge de soixante et douze ans, non-seulement sans douleur, mais en tout, je vous assure, plus jeune qu'alors, n'étaient ses yeux dont il se plaint. Voilà de quoi je suis témoin, et voici le régime que commençait M. d'Agincourt quand je le quittai, il y a dix ans, et qu'il suit encore. Il ne mange que des végétaux cuits à l'eau simple, sans aucun assaisonnement ni sel ; mais sa principale nourriture est la polenta ou bouillie de farine de maïs, qu'on appelle en Languedoc millas2. D'ailleurs, abstinence totale de toute autre boisson que l'eau. Comme j'entretiens avec lui une correspondance fondée sur l'amitié dont il m'honore, je lui écris aujourd'hui pour avoir l'histoire de son mal et de sa guérison. Une pareille note, ou je me trompe fort, vous sera toujours bonne à quelque chose. Cette diète lui fut indiquée, à M. d'Agincourt, non par les médecins, mais par M. le chevalier Azara3, qui l'avait vue en Espagne pratiquer avec succès, et s'en souvenait, dont bien prit, comme vous voyez, à son ami. Qui empêche que je ne sois pour vous le chevalier Azara ? Alors, vraiment, je me louerais de mes courses en Italie.
Je vous livre, Monsieur, sans réserve, mon œuvre et mon nom, si on veut absolument le mettre en tête du volume. J'aimerais mieux cependant, par des raisons particulières que je puis appeler raisons d'État, n'être point nommé. Tâchez, je vous prie, de m'obtenir cela ; du reste le plus tôt sera le mieux. Si je pouvais avoir une vingtaine d'exemplaires... Mais tout est entre vos mains, et je suis trop heureux qu'une amitié qui m'est si honorable et si chère vous engage à prendre ce soin.
Voici de quoi joindre à mes notes4 ; vous voyez comme je travaille ; tout ce qu'on appelle décousu, bâton rompu, n'est rien en comparaison. Une ligne faite à Milan, l'autre à Tarente, l'autre ici ; Dieu sait comme tout cela joindra.


[1] Sautelet précise « A M. de Sainte-Croix, à Paris » et donne pour date le 30 décembre.  Note1
[2] A l’origine, bouillie de farine de millet. Toutefois, introduite d’Amérique en France, la culture du maïs a remplacé celle du millet et on a conservé le mot mil pour désigner le maïs.  Note2
[3] Né en 1731 à Barbulanes, en Aragon, le marquis José Nicolás de Azara commença ses études à l'Université de Luesca. Il les poursuit à celle de Salamanque, si brillamment qu'il attire l'attention de Ricardo Wal, ministre de Ferdinand VI. En 1765, le ministre le fait nommer secrétaire d’ambassade sous Florida Blanca. Celui-ci décédé, il exerce la fonction d’ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège jusqu’en 1798. Fin latiniste, connaissant le grec, écrivant parfaitement sa langue natale, pratiquant le français, l’italien et l’allemand, s’intéressant à l’histoire de son pays, il est plus attiré par les Beaux-Arts et les Lettres que par la diplomatie. Il est présent à Rome lors de l’assassinat, le 28 décembre 1797, du général Duphot qui entraîne, sous le commandement d’Alexandre Berthier, l’occupation française de la ville éternelle. Il ne peut s’opposer à l’exil et à la détention de Pie VI. La veille de sa chute, Godoy le fait nommer ambassadeur d’Espagne à Paris le 1er mars 1798. Mais le ministre Urquijo, supérieur direct d’Azara, inquiet de son influence grandissante, le destitue en août 1799 et l’assigne à résidence à Barcelone. En 1800, Bonaparte en personne intervient pour qu’il reprenne sa fonction d’ambassadeur d’Espagne à Paris. Azara la remplit jusqu’à sa mort le 26 janvier 1804.  Note3
[4] Sur Xénophon.  Note4

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