Paul-Louis Courier

Cronista, panflettista, polemista
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prec [Sans mention] - 27 novembre 1807 A M. de Sainte Croix1 [sans mention] de Vérone - 27 janvier 1808 Suiv

Portici, le 1er décembre 18072

Xenophon (426/430-355 av J.-C.) Xenophon (426/430-355 av J.-C.) J e vous présente ici, Monsieur, un travail dont vous avez approuvé l’idée. Je souhaite qu’il se trouve dans l’exécution quelque chose qui vous satisfasse et qui vous paraisse mériter l’attention des gens instruits. En traduisant pour vous l’offrir ce que Xénophon a écrit sur la cavalerie, j’ai suivi d’abord le dessein que j’eus toujours de vous plaire, et j’ai cru faire en même temps une chose agréable à tous ceux qui s’occupent ou s’amusent de ces antiquités.
Vous n’aviez pas besoin sans doute qu’on vous traduisît Xénophon ; mais vous aviez besoin d’un texte plus correct que celui des livres imprimés, et c’est là vraiment le présent que je vous ai destiné. J’ai vu et comparé moi-même la plupart des manuscrits de France et d’Italie, où ayant trouvé beaucoup de vieilles leçons inconnues aux premiers éditeurs de Xénophon, j’ai remis à leur place dans le texte celles qui s’y sont pu ajuster exactement, sans aucune correction moderne, laissant aux critiques l’examen de toutes les autres, ou douteuses ou corrompues, que j’ai placées au bas des pages, et je pense ainsi vous donner ce texte aussi entier que nous saurions l’avoir aujourd’hui, c’est-à-dire, fort mutilé, comme tous les monuments antiques3, mais non refait, ni restauré, ou retouché le moins du monde, tel en un mot que nous l’ont transmis les siècles passés.
Ma traduction toutefois pourra être utile à ceux mêmes qui liront ces livres en grec ; car il y a dans de tels écrits beaucoup de choses qu’un soldat peut expliquer aux savants4. J’ai cherché à la rendre exacte. J’aurais voulu qu’on y trouvât tout ce qui est dans Xénophon, et non moins le sens de ses paroles que le sentiment, s’il faut ainsi dire. Ne pouvant atteindre ce but, qui serait au vrai la perfection d’un pareil travail, j’en ai approché du moins autant qu’il était en moi, et même plus heureusement que je ne l’eusse imaginé en quelques endroits, où vous ne trouverez guère à dire qu’une certaine naïveté propre à cet auteur, charmante et d’un prix infini, mais difficile à conserver dans quelque version que ce soit sur ce point ceux qui l’ont voulu imiter en sa langue même, selon moi, y ont mal réussi. Je n’avais garde d’y prétendre ; mais imputant à bonne fortune tout ce que j’ai pu rencontrer dans notre français d’expressions qui représentaient assez bien le grec de mon auteur, partout où je me suis aperçu que le trait simple et gracieux du pinceau de Xénophon ne se laissait point copier, j’y ai renoncé d’abord et me suis borné à rendre de mon mieux, non sa phrase, mais sa pensée.
J’aurais fort grossi mes remarques, si sur chaque passage j’eusse voulu noter toutes les erreurs des critiques et des interprètes. Car il n’y a pas une ligne de ces deux traités qui ne se trouve quelque part mal écrite ou mal expliquée. Mais on instruit bien peu, ce me semble, le lecteur en lui apprenant qu’un homme s’est trompé. Ces fautes que j’ai connues, sans les marquer, m’ont obligé de donner en beaucoup d’endroits les preuves, autrement superflues, de mon interprétation. C’est ce qui a produit les notes sur le texte. Celles qui accompagnent la version sont le fruit de quelques observations que le hasard m’a mis à portée de faire. Vous trouverez dans tout cela peu de lecture, nulle érudition ; mais vous n’en serez pas surpris et vous n’attendez pas de moi de ces recherches qui demandent du temps et des livres.
Quant à l’utilité réelle de ces ouvrages de Xénophon relativement à l’art dont ils traitent, je ne sais ce que vous en penserez. Bien des gens croient qu’aucun art ne s’apprend dans les livres, et les livres, à dire vrai, n’instruisent guère que ceux qui savent déjà. Ceux-là, lorsqu’ils s’en trouvent, pour qui l’art ne se borne pas à un exercice machinal des pratiques en usage, peuvent tirer quelque chose des observations recueillies en temps et lieux différents ; et les plus anciennes parmi ces observations sont toujours précieuses, soit qu’elles contrarient ou conforment les maximes reçues, étant pour ainsi dire le type des premières idées dégagées de beaucoup de préjugés. Voilà par où ces livres doivent intéresser. Ce sont presque les premiers qu’on ait écrits sur cette matière. Des préceptes qu’ils contiennent, les uns subsistent aujourd’hui, d’autres sont contestés, d’autres oubliés, ou même condamnés chez nous ; mais il n’en est point qu’on ne voie encore suivi quelque part, comme je l’ai marqué dans mes notes ; et je m’assure que si on voulait comparer soigneusement à ce qui se lit dans Xénophon, non seulement nos usages actuels, mais les pratiques connues des peuples les plus adonnés aux exercices de la cavalerie, on y trouverait mille rapports dont j’ai pu m’aviser et tous curieux à observer, ne fût-ce que comme matière à réflexions.


[1] Cette lettre que Sautelet date du 21 novembre sert de préface à l’édition originale des deux traités de Xénophon auxquels Courier fait allusion dans la lettre qui précède celle-ci.  Note1
[2] On peut se demander si cette date n’est pas factice. En effet, ce n’est que le 23 septembre 1808 que Sainte Croix écrit à Courier : « J’applaudis fort au projet de mettre au jour votre traduction du traité de Xénophon sur la cavalerie ; et je suis touché de l’honneur que vous voulez bien me faire, à cette occasion. » En fait, Sainte Croix ne reçut sans doute jamais cette lettre et Sainte Croix fut informé des intentions de Courier au début de septembre. Ce dernier lui envoya son manuscrit le 17 octobre 1808.  Note2
[3] Courier sait de quoi il parle lui qui a vu Rome saccagée par la soldatesque française. (Cf. sa lettre à M. Klewanski du 8 janvier 1799)  Note3
[4] Courier servit dans le 1er bataillon d’artillerie à cheval commandé à Plaisance par le colonel d’Anthouard avant d’être détaché en Calabre. On sait qu’il fut excellent cavalier. Selon toute probabilité, il apprit à monter à Cinq-Mars la Pile.  Note4

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