Paul-Louis Courier

Epistológrafo, libelista, helenista
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prec De Mme Marchand le 24 octobre 1809 De M Renouard1 de M Akerblad le 25 novembre 1809 Suiv

[Milan] le 20 novembre 1809.

Monsieur

A Jacques Amyot Jacques Amyot (1513-1593)
 
ussitôt que vous m’en avez témoigné le désir, j’ai écrit à Paris et j’y ai donné l’ordre de vous envoyer sur le champ, franc de port, par la poste et par l’entremise de MM. Molini et Landi, le Longus de Schaefer que j’ai d’abord inutilement cherché ici dans les bibliothèques et chez les libraires. Je n’ai point fait la demande de l’Héliodore d’Amyot2 parce que c’est un vieux livre qu’on n’aurait pas réussi à trouver. A mon retour à Paris vers le milieu de décembre, si le livre vous est encore nécessaire j’en ferai la recherche et je vous l’enverrai aussitôt.
M. Lamberti vous fait mille compliments. N’ayant pas réussi à me procurer ici le journal de Florence, j’ai fait de mémoire et en français la note de la petite découverte, et je la lui ai remise avec prière de la traduire dans cet italien qu’il écrit si bien. Il s’en est chargé bien volontiers et m’a promis de la faire insérer très promptement dans le journal3 ; je l’ai surtout bien prié de ne pas manquer d’ajouter au mot salute une épithète dont il a senti la nécessité. Je vous invite à me transmettre le fragment le plus tôt que vous pourrez, il sera sans aucun délai bien et promptement imprimé.
J’espère que votre santé est bonne, la nôtre a été un peu tourmentée par le froid et les voyages de nuit en poste ; mais encore deux bonnes semaines et nous serons bien près de la fin de nos petites fatigues. Aussitôt arrivé à Paris, je ferai votre commission relativement au Xénophon et j’aurai soin de vous instruire du résultat. Lorsque vous croirez devoir pénétrer plus avant dans l’Italie, je recommande à […]4
attention, les petits projets d’emplettes dont nous nous sommes entretenus et aux renseignements très sommaires que nous avons griffonnés le jour de mon départ ; j’ajoute que tout livre imprimé par les Alde5 devient bon et doit être acheté lorsqu’il est dans cet état de conservation que les libraires italiens appellent si élégamment cum barbis. Vous savez ce que c’est. Des éditions du quinzième siècle qui auraient ce mérite, et qui bien entendu seraient, ou à peu près de l’espèce de celles que je vous ai désignées, seraient aussi des articles à ne pas négliger.
J’ai oublié avant de partir de prier messieurs Molini de vous remettre pour mon compte un exemplaire de ma rapsodie aldine6 ; voici une note qui supplée à cet oubli, faites-moi je vous prie l’amitié d’accepter cet ouvrage ; je prie Dieu qu’il vous donne la patience d’en lire de temps en temps quelque chose.
La valise est retrouvée, on me l’expédie de Venise, elle va me suivre jusqu’à Paris où probablement elle arrivera quelques semaines plus tard que moi.
Si, comme je le présume, vous avez encore occasion de voir M. et Mme Fauchet7, présentez-leur, je vous prie, mes respects et compliments. Je vous prie aussi de saluer M. Furia qui j’espère ne m’en veut pas ; car quel mal lui ai-je pu faire ?8 Si vous avez occasion de m’écrire, ayez la bonté d’adresser maintenant vos lettres à Paris. Ne m’épargnez pas toutes les fois que vous jugerez à propos de vous adresser à moi pour quoi que ce soit et fournissez-moi de fréquentes occasions de vous prouver l’amitié et l’estime que je vous ai vouées.


Ant. Aug. Renouard


[1] Cette lettre de Renouard, averti du récent « accident » sur le manuscrit de Longus de la bibliothèque de Florence, est un élément qui permet de comprendre la genèse de l’affaire de la tache d’encre et le futur pamphlet de Courier daté du 20 septembre 1810 intitulé Lettre à M. Renouard, libraire, sur une tache faite à un manuscrit de Florence. Au moment où il écrit cette lettre, Renouard est à mille lieues de penser aux tournures prises par les suites de cette affaire dont il sera le premier à souffrir dans sa réputation avec sa mise en cause dans un article impitoyable du Corriere milanese du 14 janvier 1810. La missive de Courier du 5 décembre 1809 à Akerblad laisse transparaître sa défiance excessive de Renouard.  Note1
[2] Sur recommandation de Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, Jacques Amyot (Melun 1513-Auxerre 1593) fut nommé professeur de grec et de latin à l’Université de Bourges où lui-même avait entrepris des études de droit. Il est nommé évêque d’Auxerre le 3 mars 1571 par le pape Pie V ; il traduisit quelques Vies de Plutarque qu’il présenta en 1546 au roi François Ier ; celui-ci l’engagea à réaliser la traduction complète de l’œuvre de Plutarque. Les Vies des Hommes Illustres Grecs et Romains, Comparées l’une avec l’autre par Plutarque de Chéronée, translatées de Grec en François, furent publiées à Paris chez Michel de Vascosan, en 1559, en même temps que paraissaient chez Vincent Sertenas les romans d’Héliodore (édition révisée) et de Longus. Montaigne lui rend un hommage appuyé dans le chapitre du Livre II, chapitre 4, de ses Essais intitulé A demain les affaires : « Je donne avec raison, ce me semble, la palme à Jacques Amyot sur tous nos écrivains français, non-seulement pour la naïveté et pureté du langage, en quoi il surpasse tous autres… »  Note2
[3] Il s’agit du Giornale Italiano.  Note3
[4] Probablement votre ; en cet endroit, le papier est déchiré et le mot indéchiffrable.  Note4
[5] Teobaldo Manucci changea son nom en Aldo Manuzio et le latinisa en Aldus Manutius. Il est connu en France sous le nom d’Alde Manuce. Né à Bassiano dans le Latium en 1450, il fit de solides études classiques, apprenant le latin à Rome et le grec à Ferrare. Très tôt, il eut projet d’éditer et d’imprimer à grande échelle tous les classiques de la littérature grecque. En 1490, il s’établit comme imprimeur à Venise, important centre typographique où résident de nombreux érudits grecs.
En 1499, Alde épousa la fille d’Andrea Torresano, l’imprimeur qui avait racheté son atelier à l’imprimeur et graveur français installé à Venise Nicolas Jenson (1420-1480).
Alde fit graver et fondre 9 espèces de caractères pour l'impression du grec; il eut 14 corps différents pour les caractères romains, et 3 corps pour l'hébreu. Ce fut lui qui employa, pour la première fois, en 1501, dans son édition in-8° de Virgile, la cursive latine en caractère italique.
Les aldines ou éditions aldines sont des ouvrages sortis des presses de la famille Manuce, et surtout du fondateur de cette lignée de trois générations d’imprimeurs. Beaucoup parmi ces ouvrages sont les premières éditions réalisées de classiques grecs et latins; d'autres reproduisent les textes exacts de divers auteurs modernes tels que Dante, Pétrarque, Boccace. Pour la tenue typographique, les éditions grecques sont un peu inférieures aux éditions latines et italiennes.  Note5
[6] Il s’agit des Annales de l'imprimerie des Aldes, ou Histoire des trois Manuce et de leurs éditions publiées par Renouard.  Note6
[7] Jean Antoine Joseph Fauchet (1761-1834), baron d’Empire, était préfet du département de l’Arno depuis la mi-mars 1809. Il cessa de l’être quand les troupes françaises quittèrent l’Italie.  Note7
[8] Renouard était à mille lieues de se douter qu’il allait se retrouver dans l’œil du cyclone et être attaqué publiquement comme Courier par le bibliothécaire de Florence del Furia.  Note8

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