Paul-Louis Courier

Epistológrafo, libelista, helenista
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prec De Sigismond Viollet-le-Duc A Sigismond Viollet-le-Duc De la comtesse de Salm-Dyck Suiv

Saint-Prix, le 30 juillet 1913.



T Marie Adèle de Broc Marie Adèle de Broc
 
u as bien raison, mon héros était un franc animal. J'ai là-dessus des notices (puisque notice y a) fort exactes et sûres. Cela est vraiment fâcheux. J'en voulais faire l'éloge d'une certaine façon, c'est-à-dire de façon à pouvoir insinuer ce que je pense du métier, en donnant doucement à entendre que mon homme eût été capable de quelque chose de mieux. Mais ma foi c'est tout le contraire. Voilà qui est fait, je n'y songe plus. Que ferai-je de mon éloquence ? Les éloges sont à la mode, il faut hurler avec les loups, d'autres disent braire avec les ânes. Je trouve ici dans mon voisinage un sujet de panégyrique admirable, une Mme de Broc ou du Broc, tombée dans un trou à la suite de la reine de Hollande ; lis un peu la gazette, on ne parle d'autre chose ; eh bien cette dame de Broc on l'enterre à ma porte. Elle vient de plus de cent lieues s'offrir à ma plume. Lui refuserai-je un compliment parce qu'elle est morte ? Elle avait du mérite, beaucoup même, si l'on m'a dit vrai. A vingt-cinq ans, belle comme un ange, elle dépensait en aumônes la moitié de son revenu, ne voulait ni parures ni diamants. Veuve depuis deux ans, c'était une Artémise. Nulle idée de se remarier, pas l'ombre d'un galant. On l'adorait ; jeunes et vieux, pauvres et riches, tout le monde l'aimait. En un instant la voilà morte d'une mort horrible, imprévue. Jeunesse, beauté, talents, tout s'engloutit dans ce gouffre.

Je ne sais, de tout temps, quelle injuste puissance
Laisse le crime en paix et poursuit l'innocence.1

Ceux que chacun maudit engraissent. S'il y a quelque maraud qui fasse tout le mal qu'il peut, il vivra, sois-en sûr. Le modèle des grâces, l'exemple des vertus, le refuge du pauvre et l'ornement du monde périt dans sa fleur. Ou je me trompe, ou il y a là tout ce qu'il faut à un orateur, hors les six mille francs.
A propos, je suis fâché de n'avoir pu me trouver l'autre jour chez ton frère. Il m'a fallu partir, ma voiture partait. Ce que c'est d'être gueux; on dépend du coche. Si j'avais un carrosse... N'importe; j'irai te voir lundi avant la paume. Tu as l'air de vouloir te moquer de ma paume. Jeu de grands seigneurs, dis-tu; non de ceux d'aujourd'hui.

Faire la révérence et dans quelque antichambre,
Le chapeau dans la main se tenir sur ses membres2

c'est tout ce que la nouvelle noblesse a retenu de l'ancienne. Adieu, je t'embrasse.


[1] Racine, Andromaque, Acte III, scène 1.  Note1
[2] Mathurin Régnier, A M. Motin, satyre IV.
« Apprenons à mentir, nos propos deguiser,
« A trahir nos amis, nos ennemis baiser,
« Faire la cour aux grands, et dans leurs antichambres,
« Le chapeau dans la main, nous tenir sur nos membres,
« Sans oser ny cracher, ny toussir, ny s’asseoir… »  Note2

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