Paul-Louis Courier

Epistológrafo, libelista, helenista
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« Procès de Paul-Louis Courier »

A u début de juillet 1821, se comportant comme s’il voulait mettre du sel sur la plaie et persuadé qu’il passera à travers les mailles du filet, Courier publie Aux âmes dévotes. Dans ce cinglant factum, il persiste et signe non pas d’une main mais des deux son Simple discours paru fin avril et contre lequel a été signée le 14 mai une ordonnance de saisie. La Restauration s’en prend à tout ce qui lève la tête, s’oppose, fronde, critique. Faire un ou plusieurs exemples pourrait calmer les esprits et éteindre les ardeurs belliqueuses des « mauvais sujets ». Aussi, dans un premier temps, le ministère public, en la personne de Jacquinot, procureur général du roi, envisage-t-il de poursuivre Courier sous trois chefs d’inculpation : offense contre le roi, provocation à offense contre le roi et outrage contre la morale publique et religieuse. Le même d’envisager de réclamer jusqu’à douze ans de prison contre l’auteur de Chambord !
Le 28 août, Courier comparaît devant les assises de la Seine fort inquiet, et avec lui son imprimeur Bobée ; on le comprend : le 9 du même mois, Louis Augustin Cauchois-Lemaire avait été condamné par la même instance à trois ans de prison et 6 000 francs d’amende et aux frais pour avoir publié un ouvrage polémique intitulé Opuscules politiques. D’après les juges, ce texte avait incité rien moins qu’à la guerre civile, et aux injures envers le roi et les chambres… Excusez du peu !
Finalement, le seul motif de poursuite retenu contre Courier sera l’outrage à la morale publique. La charge sera menée par l’avocat général M. de Broë. Le verdict prononcé contre celui qui a choisi de garder le silence durant son procès pour ne pas aggraver son cas par une maladresse toujours possible fixera ainsi la peine : deux mois de prison et deux cents francs d’amende. L’imprimeur Bobée repartira libre de l’audience.
Le chansonnier Béranger enverra ses compliments au condamné et clamera à tous les vents : « A la place de Courier, je ne donnerais pas ces deux mois de prison pour cent mille francs. » Il pourra s’appliquer à lui-même ce jugement. Comparaissant à son tour devant la Cour d’assises le 8 décembre 1821 comme auteur de chansons poursuivies pour les mêmes motifs que le Simple discours, Béranger entrera pour trois mois dans la cellule quittée depuis une dizaine de jours par… Courier !

La presse des deux bords rendra compte de l’audience qui prononce la condamnation du pamphlétaire dès le lendemain du jugement. Dans une lettre datée du même 30 août à Mme Soehnée, future acquéreur de la Filonnière en 1824 – Courier évoque ces comptes rendus :

On a étrangement défiguré dans les journaux ma petite dispute avec le président des assises et le plaidoyer de mon avocat. Vous verrez bientôt de tout côté une histoire exacte avec l’esquisse de ce que j’avais dessein de dire après mon avocat si les instances de mes amis et de mon avocat lui-même ne m’eussent [imposé]1 de garder silence. Je ne sais trop si je fais bien de me laisser imprimer encore : après un succès il faudrait s’en tenir là, crainte de déchoir… mais on devient présomptueux surtout quand on reçoit vos éloges.

En clair, Courier travaille d’arrache-pied à l’écriture d’un nouveau pamphlet. Il s’agit du Procès de Paul-Louis Courier, vigneron de la Chavonnière, condamné le 28 août 1821, à l’occasion de son discours sur la souscription de Chambord. L’interminable titre de cette nouveauté livrée sur la place publique le 30 septembre sans mention de l’imprimeur augure sans équivoque de son contenu subversif.
Magistrats et jury seront ridiculisés par la malice du condamné qui mettra les rieurs de son côté à la manière de Guignol roulant le gendarme ou le juge. Le plus éreinté dans cette affaire sera l’avocat général. A telle enseigne que dans ses lettres de l’époque, Courier désignera son attaque en règle contre les péripéties de son jugement par Mon Jean de Broë.
Avec ce nouveau texte, Courier est porté aux nues. Il s’en ouvre lui-même à sa femme dans une lettre qu’il lui envoie le 4 octobre : Ma brochure a un succès fou, tu ne peux pas imaginer cela, c’est de l’admiration, de l’enthousiasme, etc.
Quelques jours après, le 11 octobre, Courier entre à Sainte Pélagie pour purger sa peine. Le 14, il reçoit les deux tomes qui composent l’Histoire de la peinture en Italie avec la dédicace suivante : « Hommage au peintre de Jean de Broë. » rédigée de la main de l’auteur, un certain Henri Beyle, connu plus tard sous le pseudonyme de… Stendhal. Les gens d’esprit se reconnaissent entre eux.



[1] Mme Geneviève Viollet-le-Duc ajoute cette note : « mot raturé » (Correspondance générale, tome 3, p. 294).  Note1

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